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Peter Stephen Duponceau an Wilhelm von Humboldt, 13.03.1828

 Monsieur le Baron

En relisant la Lettre dont vous m’avés honoré le 21 Sept.e dernier, je trouve quelques articles auxquels je n’ai pas répondu aussi catégoriquement que j’aurois sans doute du le faire; je m’empresse de profiter d’un bâtiment annoncé pour Hambourg, afin de réparer cette omission.

Vous m’avés d’abord demandé le nombre des feuilles de la Grammaire & du Dictionnaire de la langue Aruwaque, par Schulze.

1.° La Grammaire contient 173 pages in 12°. Caractère Allemand (les mots Indiens exceptés) sans marge.

Malheureusement, cet ouvrage n’est pas fini – L’Auteur après avoir parcouru les différentes parties du discours jusques au Verbe, & expliqué la différence entre les 5 Conjugaisons, la 1re. en in, ün & ùn (terminaison de l’Infinitif)

La 2e. en ân; la 3e en unnua, la 4e en ên, & la 5.e différant de toutes les autres, formée par l’addition de l’Auxiliaire ka, qu’il traduit en Allemand bin, soit par intercalation ou autrement, dont il donne ces exemples.

Kakukade, Ich lebe
Hádubuttin, zu schwitzen
Hadubuttukade, ich schwitze
Kanissin, zu lieben
Danssika, ich liebe. (p. 77)

 L’Auteur, dis je, après cette Explication, qui est précédée de la Définition des différentes espèces de Verbes Aruwaks, donne des paradigmes de chacune de ces différentes Conjugaisons, qu’il fait suivre par des paradigmes des Conjugaisons de Verbes Négatifs & de quelques autres espèces de Verbes Composés – Mais l’ouvrage finit là; les quatre dernières parties du Discours y manquent entièrement – Ce que nous avons de cette Grammaire est divisé en 118 paragraphes, qui se refèrent souvent l’un à l’autre. L’Auteur, que je connois, est un homme d’esprit, & a fait d’assés bonnes études

Le Dictionnaire est Aruwak & Allemand, & contient 622 pages, in quarto, bien écrits, d’une belle main – Les mots Allemands sont en Caractères Gothiques. Lorsqu’on lit la Grammaire on est de tems en tems obligé de recourir à ce Dictionnaire, pour l’explication de certains mots. Quelques notes auroient évité cette peine.

Je suis en correspondance avec cet Auteur. Il m’apprend de tems en tems des choses curieuses sur les formes de cette langue. En voici une, par exemple. Un messager, en rendant compte de sa mission, commence par raconter mot à mot autant qu’il peut s’en souvenir, la réponse qu’il a reçue, & finit son récit par "on m’a dit". Il en est de même d’une Histoire ou d’un fait qu’ils ont entendu raconter; ils la racontent d’abord comme d’eux mêmes, & à la fin ajoutent on m’a dit. La même chose arrive s’ils portent un message à quelqu’un. Ce n’est qu’à la fin du Discours qu’on sait de quelle part.

Dans leurs phrases, ils sousentendent souvent le Verbe principal. Exemple

mânhânika, quand vous ne  penserés pas, sousentendu
lakannamün, à moi;
andinkebedappa, je viendrai précisément alors

J’ai traduit penserés pas, ou plutôt j’ai indiqué le futur dans le mot qui précède, mais il me semble que c’est plutôt le présent de la 5e. Conjugaison, en ka – Le futur se termine ordinairement en pa. Mais c’est de peu de conséquence. Mr Schulze explique cette phrase en Anglois, ainsi

As you were not (thinking understood) of me, I will just come. Were semble ici indiquer le Conditionel du Subjunctif, au moins un tems potentiel.

J’ai l’honneur de vous envoyer ci joint le livre de Hunter.[a] Cet homme étoit vraiment un imposteur. Je l’ai convaincu à sa face d’une ignorance totale des langues sauvages, même de l’Osage & du Kanza, qu’il prétendoit lui être naturelles. Il n’en savoit pas un mot. Cependant, il en a imposé à tout le monde, ici & en Angleterre. C’étoit vraiment une Epidémie, à laquelle seul j’ai échappé pendant trois ans, jusqu’à ce qu’à la fin, il a été entièrement démasqué. Il est mort au Mexique, dans la Province de Tejas, où il tâchoit de révolutionner, n’ayant pas soutenir ici la honte de son imposture. Son livre n’est qu’une Compilation dont l’Auteur est connu.

Puisque vous desirés avoir quelque chose sur les langues Iroquoises, j’espère que je pourrai bientôt vous satisfaire. J’ai eu il y a quelque tems de longues conférences avec le Rev. M. Eleazer Williams, Ministre de l’Eglise Anglicane, né d’un Père blanc & d’une Mère Iroquoise de la tribu des Mohawks, & qui possède également les deux langues. Il est l’Auteur du Gaiatonsera de que vous me demandés, mais dont il n’existe plus d’Exemplaire. Il a traduit aussi en Mohawk la Liturgie de l’Eglise Anglicane, dont il m’a donné un Exemplaire, & m’en a promis un autre que je vous enverrai quand je l’aurai reçu. Cet ouvrage est d’autant plus utile à un Linguiste, que tous les titres des différentes formules, prières, pseaumes &c. sont donnés en Latin, tels que Gloria Patri, Pater Noster, Miserere &c. Ainsi on sait ce qu’on a sous les yeux.

Ce Ministre doit revenir ici cet Eté, passer quelques semaines, & nous devons faire ensemble une Grammaire de la langue Mohawke. Je lui ai déja fait un Alphabet, qui consistent |sic| des sons suivants, représentés par nos Caractères.

a
seul & même h- Ce son est très doux, & s’exprime par
sons ch- allemand, χ grec, j. Esp. la lettre h: Il n’y a pas deux sons.
e
k
i
n
o
r
s
t
w anglois
an
ain, in, François, que j’écris a̧, ȩ, o̧.
on

Il n’y a pas d’autre sons dans cette langue; on écrit plusieurs mots avec un g, au lieu d’un k, parce que les Iroquois, comme plusieurs Allemands, confondent ces deux sons; mais après plusieurs Essais, & un mur examen, Mr Williams est convenu que sa langue a le son k & non le son g durum.

Ainsi cette langue n’a que 14 sons, y compris les trois voyelles nasales.

Ce Ministre, M. Williams, pendant le court séjours qu’il a fait ici, m’a donné quelques notions interessantes sur les langues Iroquoises. Il a eu la bonté d’analyser pour moi le Pater Noster en langue Mohawke, & j’ai été frappé surtout du premier mot qu’il présente; Notre Père.

Ce mot est Takwaiȩha – Ce n’est pas le mot Pere dont on se sert ordinairement, qui est Ronwaniha & qui s’applique à un père naturel; c’est un mot composé, dont l’analyse produit les idées suivantes: O toi dont nous sommes les enfants! ou encore mieux en Espagnol: O tu, cuyas criaturas somos ! Car le mot dont est tirée la partie de celui ci qui réveille l’idée d’enfant, signifie créature, progéniture, & c’est ainsi, comme vous savés, que les Espagnols appellent les petits enfans, criatura. Cette expression, dit M. Williams, est un terme respectueux qu’on adresse seulement à la Divinité & dans un sens religieux. Je ne ferai point d’observation là dessus; mais il me semble qu’il y a de la beauté dans cette manière de s’exprimer. Je compte apprendre beaucoup de choses intéressantes sur les langues Iroquoises l’Eté prochain.

J’avois un Peruvien, homme instruit, né d’une Peruvienne, sachant très bien l’Espagnol, le Latin & le Quichua, & qui avoit la bonté de m’initier dans les mystères & les beautés de cette langue; il est mort subitement d’une apoplexie foudroyante. C’est une grande perte pour la Science. Il se nommoit Don Pedro Perez, & avoit autant d’amabilité que de connoissance.

Vous me demandés un Discours d’un chef sauvage dans un langue Indienne. Heckewelder m’avoit promis de me donner celui du Capitaine Pike[b] en langue Delaware, mais il est mort sans avoir accompli sa promesse – Le tems n’est plus où on pouvoit se procurer de ces modèles d’éloquence Indienne. Je m’efforcerai d’obtenir pour vous quelque chose de ce genre, si toutesfois il m’est possible. Plus de guerre entre les sauvages du parti Anglois & ceux attachés aux Etats Unis; par conséquent plus de beaux discours. Les Indiens sont maintenant soumis; ils ne se relèveront plus.

Je joins à cette lettre un Vocabulaire de la langue Onondago, que j’ai extrait pour vous du grand Dictionnaire de Zeisberger.[c] J’espère que vous avés reçu la Grammaire Tarasca, que j’ai eu l’honneur de vous envoyer.

Je suis avec respect
Monsieur le Baron
De votre Excellence
[d]
Le très humble
& très obéissant serviteur,
Peter S. Du Ponceau
Philadelphie
13 Mars 1828


Monsieur le Baron
G. de Humboldt.
Ministre d’Etat &c &c
a Berlin

Anmerkungen

    1. a |Editor| Zu Hunter siehe Duponceaus Brief an Marc-Antoine Jullien de Paris, 13. Januar 1826: Pierre Swiggers (1998): American Linguists and the Origin of Linguistic Typology: Peter Stephen Du Ponceau’s "Comparative Science of Language". In: Proceedings of the American Philosophical Society 142, No. 1, S. 33, Anm. 20. [FZ]
    2. b |Editor| Captain Zebulon Montgomery Pike (1779–1813): Offizier der U.S. Army. Pike publizierte die Berichte über seine Entdeckungsreisen im Jahre 1810, ergänzt durch seine Korrespondenz mit General Wilkinson, seine Reden vor den Indianern, und detaillierte Landschaftsbeschreibungen, als An Account of Expeditions to the Sources of the Mississippi and through the Western Parts of Louisiana. Philadelphia 1810. Eine veränderte Publikation unter dem Titel Exploratory Travels Through the Western Territories of North America erschien im Jahr 1811 in London. [FZ]
    3. c |Editor| Dieser von Duponceau angefertigte Auszug befindet sich in Krakau unter der Signatur: Coll. ling. fol. 70, Bl. 3–7. [FZ]
    4. d |Editor| Tinte verwischt.

    Über diesen Brief

    Eigenhändig
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    Folgebrief

    Quellen

    Handschrift
    • Grundlage der Edition: Ehem. Preußische Staatsbibliothek zu Berlin, gegenwärtig in der Jagiellonen-Bibliothek Krakau, Coll. ling. fol. 52, Bl. 90–93
    Druck
    -
    Nachweis
    • Mueller-Vollmer 1993, S. 210

    In diesem Brief

    Zitierhinweis

    Peter Stephen Duponceau an Wilhelm von Humboldt, 13.03.1828. In: Wilhelm von Humboldt: Online-Edition der Sprachwissenschaftlichen Korrespondenz. Berlin. Version vom 15.03.2023. URL: https://wvh-briefe.bbaw.de/303

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