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  3. Nr. 513

Wilhelm von Humboldt an John Pickering, 15.11.1828

|1|[a] Monsieur,

J’ai eû l’honneur de Vous addresser une lettre de Londres alors que je m’y suis trouvé cet été, et je me flatte qu’elle Vous sera arrivée dans le tems. Depuis que je me trouve de retour ici, j’ai reçu deux lettres de Votre part, Monsieur, dont je m’empresse à Vous dire mes plus sincères & mes plus vifs remercimens. J’ai reçu les divers envois que Vous avez eû la bonté de me faire, et je ne saurois Vous dire, combien ils ont excités toute ma gratitude. J’ai parcourû les divers ouvrages que Vous m’avez envoyés et je tâcherai d’en faire usage pour les études auxquelles Vous voulez bien prendre une part aussi bienveillante.

J’ai été on ne peut plus sensible aux choses aimables & flatteuses que Vous avez la bonté de me dire sur ma lettre à M.r Abel-Remusat. Si elle renferme quelques aperçus nouveaux sur la nature des langues, ils ont bien besoin encore d’être développés d’avantage et c’est de quoi je m’occupe en ce moment.

J’ai lû avec le plus vif intérêt, Monsieur, la partie de Votre lettre où Vous me parlez de Vos relations avec les isles Sandwich. Je n’ai malheureusement pas trouvé M.r Ellis à Londres et j’ai beaucoup regretté de ne pas avoir pû faire sa connoissance. Parmi les ouvrages manuscrits que Vous possédez sur la langue des isles du Sud, le vocabulaire des isles de Fidgi et la grammaire du dialecte de Hawaii m’intéressent de préférence. Vous ajouteriez, Monsieur, à toutes les obligations que je Vous ai déjà, si Vous vouliez avoir la complaisance de faire à mes fraix copier pour moi les mots Fidgis qui n’ont pas trouvé place dans le recueil qui a été imprimé dans |2| le Journal de Mr. Ellis. Ce groupe d’isles est du plus haut intérêt. Si ce qui en est dit dans le voyage de Mariner est exact, de les habitans de ces isles ont été les maitres des habitans des isles de Tonga dans l’art de s’armer et de faire la guerre. Ils peuvent sembler par là d’être d’une autre souche de nation, et il est dit dans le Journal de M.r Ellis p. 254. que leur langue à |sic| l’air de ne pas avoir la même origine que la langue Polynésienne. Au premier coup d’œil néanmoins le petit Vocabulaire offre une grande ressemblance des mots avec la langue Tonga (isles des amis). Les mots pour les nombres, à quelques changemens de lettres près dont il est facile de rendre raison, sont entièrement les mêmes. Il faut cependant excepter 1 & 10. Endoongah ne rappelle en rien taha de l’isle de Tonga, et tahi de la nouvelle Zelande, & de Tahiti. 10 s’exprime en idiome Tahitien ahuru, dans le Dialecte de la Nouvelle Zelande ka nga udu, dans celui des isles de Tonga ongo fooloo. Dans tous ces mots se trouve l’idée de: cheveux qui dans plusieurs langues s’applique aux nombres qui vont au delà des unités. Il seroit important de savoir ce que le mot Fidgi teeney signifie originairement? Le mot ruah, deux, est visiblement le même que le olua de Tahiti et de la nouvelle Zelande, le ooa de Tonga, et le lua de Hawaii. Le passage du d à l par l’intermédiaire du r est aussi commun à d’autres langues. Il se retrouve dans le nombre 3, todu, toru, toloo. Les syllabes a, sa, ka, ko qui précèdent les nombres dans ces dialectes, sont des préfixes qui n’appartiennent pas aux mots mêmes. Mais un grand nombre de mots du petit vocabulaire Fidgien sont tout à fait étrangers aux autres dialectes tels que je les connois. De cette classe sont les expressions pour soleil, lune, feu, pié, manger, voir cet. D’autres fois les mots Fidgis sont plus longs que ceux des autres dialectes p. e. ahwhye, eau, qui est évidemment le vai des autres dialectes. Ce qui m’a frappé beaucoup, c’est que give me est traduit par cow my. Ce my est sans doute la particule mal ou my des autres dialectes qui est un adverbe de lieu et dénote un mouvement vers celui qui parle. Cet adverbe (auquel répondent deux autres atoo & angi, pour le mouvement vers celui à qui on ad-|3|dresse la parole et vers un troisième, autre que ceux qui parlent ensemble) sert très-souvent de pronom et suppléé tout aussi ordinairement au mot donner. My placé seul avec un substantiv |sic| veut dire: à moi cette chose, i. e. donnez-moi cette chose. Je ne comprends point le cow dans la sen phrase Fidgi. En dialecte Tonga cow est un article du pluriel lorsqu’on parle d’hommes. Mais le sens et l’usage de my paroissent clairs, et cette tournure me semble prouver p la grande affinité du dialecte Fidgi avec les autres, puisque les tournures des phrases attestent toujours plus l’affinité des langues que les mots. La circonstance que beaucoup de mots Fidgiens ne se trouvent guères dans les autres isles ne prouve pas encore que ces mots ne sont point Polynésiens. Il a existé évidemment beaucoup plus des mots sur ces isles autrefois qu’on n’en connoit àprésent. Bien des mots sont tombés en désuétude. A Tahiti p. e. vai a cédé à pape pour eau. Il a existé aussi une langue particulière pour les prêtres et le culte divin dont rien n’est venû jusqu’à nous. Ce seroit là une chose à enjoindre aux Missionnaires de voir s’il ne seroit pas possible de découvrir des restes de ce langage suranné. Ce que je possède jusqu’ici sur les dialectes Polynésiens est ce qui suit: Dialecte de Tahiti: la petite grammaire imprimée, la traduction des trois Evangèles excepté St. Lucas, de l’histoire des Apôtres, de quelques Epitres et de quelques livres de l’ancien Testament, un petit livre d’Arithmétique, les lois du païs en langue Tahitienne, et un spelling-book. Dialecte de Hawaii. Un spelling-book, un petit recueil d’hymnes. Dialecte des isles Marquises: un spelling-book, Dialecte des isles de Tonga: Mariner. Dialecte de la Nouv. Zelande: la Grammaire et le Vocab. publiés par M.r Lee à Londres. Je Vous suis infiniment obligé, Monsieur, si Vous pouvez ajouter quelqu’ autre pièce à cette petite bibliothèque de la Mer pacifique. J’ai aussi rapporté de Paris de précieux Matériaux sur la langue du Madagascar.

J’ai lû avec beaucoup d’intérêt la réfutation des accusations des Missio- |4| naires Américains. Il est naturel que des hommes qui veulent courageusement réformer des abus soyent calomniés & que le crédit et l’autorité dont ils jouissent, existe l’envie et la jalousie. La prétendue lettre de Boki est certainement faite par quelqu’un qui sait parfaitement l’Anglois. Mais celle addressée à M.r Mill par le jeune habitant des il isles de Sandwich, est bien touchante. En Allemagne les reproches du Reviewer ne feront aucune impression. On sait trop apprécier chez nous les efforts salutaires des Missionaires de propager la Réligion Chrétienne, de corriger les mœurs et de répandre des lumières parmi le peuple. Ce qui est dit contre Votre orthographe, est bien absurde. C’est certainement très-bien fait que de s’être servi de cette méthode d’écrire le dialecte Sandwich. Mais on désespère presque de réduire ces sons à une orthographe régulière. J’ai passé à Londres plusieurs matinées avec quatre Tahitiens, et il m’est resté des doutes sur bien des sons. Ce sont surtout les diphthongues qu’il est bien difficile de saisir.

L’établissement d’une communication régulière entre Hambourg & New York par le moyen de bateaux à vapeur sera extrêmement utile pour l’Allemagne. Que je désirerois pouvoir en profiter pour venir Vous remercier de bouche de toutes les bontés dont Vous voulez bien me combler. Mais à mon age, entouré d’une famille nombreuse il est difficile de penser à un pareil voyage.

La lettre d’Elias Boudinott que Vous avez eû la bonté de m’envoyer, est certainement une chose extrêmement remarquable et c’est un nouveau phénomène que de voir une des langues indigènes de l’Amérique se f se maintenir au milieu de tous les efforts faits pour adopter la civilisation Européenne, même se fixer d’avantage par un Alphabet entièrement différent du nôtre. Je placerai mon nom très-volontiers dans la liste des souscripteurs du Phoenix Cherokee, et j’ai écrit pour cet effèt à M.r Boudinott. Vous me ferez bien le plaisir d’accompagner |5| ma lettre qui est écrite en Francois, d’une traduction Angloise. Je prie M.r Niederstetter, Monsieur, de Vous prier de payer le prix de la souscription. Quant à la gazette Vous voudrez bien avoir la bonté de garder les numeros pour moi, et de les envoyer alors qu’il se présente des occasions de transport peu dispendieux. Mais je dois Vous avouer mon ignorance complette sur cette langue des Cherokees. Je ne connois même aucun livre p à l’aide duquel je pourrois m’instruire sous ce rapport. Tous ce que je possède sur cette langue est un petit recueil de mots et une traduction du premier chapitre du 1. livre de Moïse. Je dois l’un et l’autre à Vos bontés. [V+] A Vater et Adrien Balbi en parlent bien incomplettement. Vous ne les nommez pas en particulier, Monsieur, dans Votre introduction à la grammaire d’Eliot, mais je suppose que Vous comprenez les Cherokees sous la dénomination générale des peuplades Floridiennes. M.r Gallatin dans une table des tribes Indiennes publiée 1826. fait de la langue Cherokee une langue à part, mais qui doit avoir de l’analogie avec les langues Iroquoises. Voilà ce que disent aussi tous les autres qui parlent de cette langue. Il seroit infiniment précieux d’en obtenir une grammaire. La construction du Verbe doit être d’après M.r Balbi, extrêmement compliquée. Le nom même de cette peuplade est écrit différemment dans différens ouvrages. Je suppose cependant que Cherokee est la variante qu’il faut adopter, puisque Boudinott écrit lui même aussi le nom de sa nation.

Je ne connois point, Monsieur, le Catéchisme en langue Otomi dont Vous me parlez, mais je possède de cette langue une grammaire à laquelle est joint un petit Vocabulaire.

Je termine ici cette lettre & ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus distingués,
Monsieur,
Votre très-humble & très-obéissant serviteur,
Humboldt.
à Berlin, ce 15. Novembre, 1828.

|6|
A Monsieur,
Monsieur J. Pickering,
à
Boston.
[b]

| Handschrift Niederstetter|Avec les complimens de Mr. Niederstetter. Cette lettre quoique d’une ancienne date *** <ne> lui est parvenue que récemment. Il a recu à Philadelphie un petit paquet de Mr. Peine|?| pour Mr. de Hess|?|

Anmerkungen

    1. a |Editor| Oben auf der Seite die Notiz von Pickerings Hand: "Recd at Ipswich / Apr. 30, 1829"
    2. b |Editor| Darüber von fremder Hand eingefügt: "Ipswich"

    Über diesen Brief

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    Quellen

    Handschrift
    • Grundlage der Edition: Boston, Public Library, MS q. 1900, No. 18a, Courtesy of the Trustees of the Boston Public Library/Rare Books
    Druck
    • Mueller-Vollmer 1976, S. 305–307; Humboldt 2017, S. 618–620 (Ausschnitt)
    Nachweis
    • Mattson 1980, Nr. 7945

    In diesem Brief

    Werke
    Zitierhinweis

    Wilhelm von Humboldt an John Pickering, 15.11.1828. In: Wilhelm von Humboldt: Online-Edition der Sprachwissenschaftlichen Korrespondenz. Berlin. Version vom 15.03.2023. URL: https://wvh-briefe.bbaw.de/513

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