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  3. Nr. 801

Wilhelm von Humboldt an Désiré Raoul Rochette, 30.05.1820

|1| Monsieur,

Je n’aurois pas tardé si longtems à Vous remercier, Monsieur de l’envoi de Vos deux lettres au Comte Aberdeen, si Votre ouvrage n’avoit dû me suivre à la campagne où je me trouve dans ce moment. Je l’ai lû avec le plus grand intérêt, & je Vous suis vivement obligé & du plaisir qu’il m’a causé, & de la nouvelle marque de souvenir que Vous avez bien voulû me donner.

Il sera difficile d’avoir encore des doutes sur la véracité de Fourmont après Vos deux lettres, Monsieur. Tant d’inscriptions dont il a donné dans le tems des copies, ayant reparû àprésent, il est facile même de juger àprésent, quelles sont les inexactitudes & les méprises dans lesquelles il est tombé. Je doute néanmoins que Vous réunissiez à convaincre Mr. Knight. Il n’est pas honneu |sic| à changer une opinion qu’il a une fois prise. Malgré un grand fonds de connoissances & de véritable érudition il a souvent des idées fort bizarres. Je compte parmi elles le plan entier de l’édition d’Homère qu’il prépare. Mais je me suis convaincu l’ayant vû beaucoup pendant mon séjour à Londres, qu’il seroit inutile d’entrer en discussions là dessus avec lui. J’ai donc préféré de parcourir avec lui sa collection de bronzes antiques qui est vraîment précieuse.

Vous avez augmenté le prix de Votre mémoire |?|, Monsieur, pour |2| les digressions qui s’y trouvent sur plusieurs points d’érudition. Celle sur l’origine de l’Alphabet que m’a surtout intéressé. C’est une question bien difficile à résoudre si en effèt il a existé avant les lettres Cadméennes un alphabet pelasgique qui n’a été que changé & réformé. Vous Vous êtes prononcé, Monsieur, pour l’affirmative, & avez donné certainement à cette opinion par plusieurs argumens importans & nouveaux un grand dégré de vraisemblance <semblance>. Je n’oserais me décider encore. Mais j’avoue que je n’ai pas pû partager Votre opinion sur l’interprétation des passages d’Hérodote qui parle des anciennes Inscriptions du temple d’Apollon à Thebes. Vous supposez que les lettres Ioniennes dont parle Hérodote, sont les anciennes lettres attiques ou Pelasgiques, & qu’il sont du témoignage d’Hérodote même une nouvelle preuve pour l’existence de cet alphabet. Mais en lisant bien attentivement le 58. Chapître il me paroît d’abord évident qu’Herodote au moins en pensa aucunement que les Ioniens eussent eû des lettres avant les Phéniciennes; les mots παραλαβόντες διδαχῆ sont clairs à cet égard, et ensuite que les lettres Ioniennes desquelles parle le chap. 59. n’étoient, selon lui, autres que ces mêmes lettres venues des compagnons de Cadmus, mais changées par l’opération qu’il désigne par les mots μεταγρυθμίσαντές σφεων ολέγα. Tant dans le passage annonce que les lettres Ioniennes avoient une forme moins antique que les lettres Cadméennes c’est à dire celles qu’Hérodote nomme ainsi; selon Votre interprétation, Monsieur, le contraire devroit avoir lieu. Il me semble que ce passage d’Hérodote quelqu’intéressant qu’il soit, ne preuve rien ni pour, ni contre l’existence d’un alphabet originairement Grec, si l’on n’admet ce preuve l’opinion d’Hérodote lui même. Les lettres Ioniennes ou de son tems, ou de moins celles qui durent leur |3| forme à des changemens faits depuis l’arrivée de Cadmus, car il me paroit|?| évident que c’est de ces lettres qu’Hérodote parle, étoient très-ressemblantes aux lettres Cadméennes qu’on recontra à Thebes. Voilà le seul fait énoncé dans ce passage. Vous semblez supposer, Monsieur, que cette ressemblance ne peut point s’appliquer sans admettre que cet alphabet n’étant au fonds que le même, les lettres Cadméennes les lettres attiques réfermées ou changées par ce que les Grecs avoient pris de Cadmus, les lettres Ioniennes ces lettres attiques elles mêmes. Mais tout ceci me semble hypot|hé|tique, & je répête qu’en lisant ce passage dans sa liaison naturelle on ne sauroit se refuser de croire que les lettres Ioniennes dont parle Hérodo|te| étoient de date plus récente. Si Vous supposez au moment qu’il n’a point existé un alphabet pélasgique l’interprétation du passage est égalem|ent| facile. Les lettres Cadméennes sont les lettres Phéniciennes, mais déjà changées par les Grecs qui les avoient reçues, les lettres Ioniennes sont ces mêmes lettres, mais après avoir subi plus de changemens encore, par|ce|-qu’il est certain que la suite des tems y en a apporté toujours, Mr . Knight a tort de s’étonner|?| de ce que les lettres Ioniennes diffè|rent| beaucoup des Phéniciennes qui se trouvent sur des médailles a peu p|rès| contemporaines. Car en admettant [encore] qu mêmes qu’il soit prouvé que les médailles portent les lettres phéniciennes telles qu’elles étoient du tems de Cadmus, & qu’il les donna lui-même à la Grèce, il est naturel|le| qu’au moment même de l’introduction de l’Alphabet Phénicien il dût subir de grands changemens. Le systême de prononciation très-différent des deux langues rendoit ces changemens indispensables. D’un autre côté j’avoue que je doute avec Mr . Knight que les Inscriptions rapport|ées| par Hérodote datoient de l’époque que leur assignoient les prêtres & d’après eux cet historien. En ajoutant cette circonstance à aux changemen|s| qu’on devoit nécessairement apporter aux lettres Phéniciennes dès le mo-|4|ment de leur introduction, la conformité observée que Hérodote ne me semble guère étonnante. Il ne comparoit au fond que des lettres d’une même alphabet, mais de différens siècles. Le mot de Καδμήϊα ne doit pas trop nous en imposer. On le donna facilement ce nom à des inscription qui parloient de héros qui avoient vécu peu après Cadmus. Les tems où Cadmus doit avoir vécu, & son expédition sert enveloppés de trop d’obscurité, & de doutes parce que l’on puisse|?|, selon moi, ajouter la même foi aux traditions qui s’y rapportent, que l’on accorde avec raison à des récits pl d’époques plus récentes. Veuillez excuser, Monsieur, le détail dans lequel je suis entré sur ce point. Si j’ai pris la liberté d’écouter mon opinion différente de la Vôtre, cela Vous prouvera au moins l’intérêt que m’a inspiré la lecture de Votre Mémoire.

Agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée.
Humboldt
à Tegel, ce 30. Mai, 1820.

à Mr. Raoul Rochette, Membre de l’Institut cet. à Paris.

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Handschrift
  • Grundlage der Edition: Paris, Institut de France, BIF Mss 2065 t LXV im Briefwechsel AvH, n°1
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Wilhelm von Humboldt an Désiré Raoul Rochette, 30.05.1820. In: Wilhelm von Humboldt: Online-Edition der Sprachwissenschaftlichen Korrespondenz. Berlin. Version vom 15.03.2023. URL: https://wvh-briefe.bbaw.de/801

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