Monsieur,
Vous serez sans doute étonné, Monsieur, que sans avoir le plaisir de Vous être
connû, je prenne la liberté de Vous écrire. Mais M.r Bancroft dont j’ai eû le plaisir de
faire la connoissance cet hiver, m’encourage à le faire, et je m’empresse
d’autant plus à accepter son offre obligeante de Vous faire parvenir ces lignes
que j’ai lû avec le plus grand intérêt un morceau dont Vous êtes l’Auteur. Je
veux parler de l’analyse que Vous avez faite, Monsieur,
du discours de M.r Jarvis sur la
réligion des peuplades Indiennes de l’Amérique Septentrionale. Les
idées que Vous y développez sur les langues de ces Nations m’ont parû si vraies,
si importantes en elles-mêmes, et si fécondes en conséquences que je n’ai pû
résister au désir de m’entretenir avec Vous un moment sur cet objet, et de Vous
prier de vouloir bien par Vos soins intelligens m’assister dans l’étude que j’en
fais.
Je me suis occupé depuis long-temps de recherches sur les langues Américaines,
j’ai recueilli tant par mon frère dont le voyage
Vous sera connû, Monsieur, que par moi-même lorsque je fus
Ministre du Roi à Rome où j’avois l’occasion de consulter des Ex-Jésuites qui
avoient été MissionnairesIn diesem
Zusammenhang ist besonders auf die Bekanntschaft mit Lorenzo Hervás y Panduro zu verweisen, der Humboldt viele
Sprachmaterialien zur Verfügnug stellte. [FZ], un assez grand nombre
de matériaux, et je désirerois composer un ouvrage aussi complet et aussi
détaillé que possible sur les langues du nouveau Continent. Ces langues
présentent ainsi que Vous, Monsieur, et M.r Heckewelder l’avez si bien exposé,
des particularités si frappantes, des beautés naturelles si surprenantes, une
richesse de formes qui seroit embarrassante, si une analogie parfaite ne venoit
à l’aide de la mémoire, qu’il est impossible de s’appliquer à l’étude des
langues en général, sans sentir le besoin d’approfondir surtout celles-ci. Il me
semble surtout nécessaire de tâcher d’établir d’une manière bien solide, si les
particuliarités dont je viens de parler, sont communes à toutes les langues
Américaines, ou si elles sont seulement propres à quelques unes d’entr’elles, et
ensuite, si elles tiennent à une tournure d’esprit, une individualité
intellectuelle toute particulière aux Nations Américaines, ou si plutôt, ce qui
les distingue, part de l’état social, du degré de civilisation sous lequel se
trouvent les peuples qui les parlent. Cette dernière idée m’a surtout frappé
souvent, il m’a parû quelquefois que le caractère des langues Américaines est
peut-être celui par lequel toutes les langues dans leur origine ont dû passer un
jour, et dont elles ne se sont éloignées qu’en subissant des
changemens et des révolutions que malheureusement nous connoissons trop
imparfaitement. J’ai tâché d’approfondir mes connoissances des
langues Européennes qui semblent être conservées également dans leur pureté
originelle, telle que la langue Basque et j’y ai retrouvé en effet plusieurs de
ces mêmes particuliarités, sans que je puisse pour cela me ranger à l’opinion de
M.r Vater qui
voudroit établir une véritable affinité entre cet idiome et ceux du nouveau
Continent. D’un autre côté il seroit également possible aussi, que les peuples
de l’Amérique quelques grandes que soyent les différences qui se trouvent entre
eux, eurent pourtant par leur séparation des autres parties du monde adopté une
analogie de langage, et un caractère intellectuel différent qui se fût imprimé
naturellement à leurs langues.
J’ai tâché de Vous présenter, Monsieur, le problême que je désirerois surtout
résoudre. Mais je n’ai pas besoin de Vous dire qu’il y a une infinité d’autres
points dans ces langues qu’il est intéressant d’examiner sous le rapport de
l’analyse philosophique du langage et de l’histoire des nations.
La base de toutes ces recherches reste cependant une connoissance parfaite de ces
langues mêmes, un examen scrupuleux de leur structure, et une analyse exacte de
l’affinité de leurs primitifs et dérivatifs. Il me semble qu’on s’est beaucoup
trop hâté de tirer des conséquences générales d’une très-petite masse de données de fait. Je m’attache donc surtout à éviter cette faute, et à
me procurer une connoissance
aussi
si
exacte que possible de chaque idiôme. L’expérience m’a prouvé que ce qui semble
fort extraordinaire aux premiers coups d’oeil, s’explique de cette manière, et
paroit être simple et naturel.
Il est seulement à regretter qu’on manque encore beaucoup et surtout chez nous en
Europe, des secours littéraires qui faciliteroient cette étude, et c’est surtout
à cet égard que je prends la liberté de m’adresser à Vous, Monsieur, pour Vous
prier de bien vouloir, autant que cela seroit possible sans Vous donner trop de
peine, me communiquer les ouvrages sur les langues Américaines qui pourroient se
trouver chez Vous, ou être publiés par la suite. Peut-être trouveriez-Vous aussi
l’occasion de me faire venir des copies de notices manuscrites. Je paîrai avec
plaisir les frais que cela pourroit causer à la personne que Vous m’indiquerez.
Pour que Vous soyez aussi informé de ce que je possède déjà, je joins une note
des livres imprimés que j’ai sur les langues Américaines. Je possède en outre
quelques ouvrages manuscrits que je tiens de quelques Ex-Jésuites. Mon adresse
est: au Baron de Humboldt, Ministre d’Etât du Roi de
Prusse, à Berlin. Je ne
saurois Vous dire, Monsieur, combien Vous m’obligerez en voulant bien me
seconder dans mon entreprise, et j’ose me flatter qu’elle contribuera à rendre
plus générale la connoissance et l’étude des langues du continent que Vous
habitez.
J’ai l’honneur d’être avec la considération la plus distinguée,
Monsieur,
Votre
très-humble et
très-obéissant
serviteur,
Humboldt.
à Berlin, ce 24. Février, 1821.
Si Vous me faites l’honneur de
répondre à cette lettre, Monsieur, je Vous prie de la faire en Anglois. Je
lis parfaitement l’Anglois, mais je n’ose pas l’écrire de peur de commettre
trop de solécismes.
New
Niews of the origin of the tribes and Nations of
Amerika.
By Benjamin Smith
Barton. Philadelphia. 1798. 8.
Researches
on America. Baltimore. 1817. 8.
Grammatica da
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Dictionnaire Caraibe François & François Caraibe, par Raymond Breton. Auxerre. 1665. 8.
Vocabulario en lengua Castellana y Cora por el P.
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The Gospels of St. Matthew, St. Mark, St. Luke
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Grammatica de la lengua
Qquichua, compuesta por Diego
Gonzalez Holguin. cet. 1607. 4.
Breve
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Baron
W. Humboldt’s List of Books on the Languages of America
Recd. July 6, 1821 from Mr Geo. Bancroft.