A. D. Joseph Maria Murga
à Rome, le 13 Octobre,
1803
Monsieur,
Il y aura plus d’un an que notre correspondance a été interrompue, mais les
différens changements que j’ai éprouvés depuis, me serviront certainement
d’excuse auprès de Vous et je n’ai certainement pas perdu de mémoire en
attendant l’amitié dont Vous voulez bien m’honorer & les jours délicieux que
j’ai passé à Bilbao avec Vous. Vous aurez
appris par les gazettes, Monsieur, que le Roi m’a
envoyé ici et que j’y suis chargé de ses affaires. Il y aura sous peu un an que
je me trouve à Rome et j’ai tout lieu d’être
très satisfait de ma situation. L’Italie et surtout cette capitale du monde
ancien offrent tant d’objets intéressans qu’il y a pour longtems une ample
matière à faire les études les plus assidues. Je me trouverais heureux sur ce
point et sur tout autre, si malheureusement je n’avais pas été frappé, il y a
deux mois, d’un coup trop cruel pour être jamais oublié.
Imaginez, mon cher et respectable ami, que je viens de perdre des suites d’une
fièvre maligne mon fils aîné, un enfant de près
de dix ans qui me fit concevoir les espérances les plus heureuses
pour la suite. Je ne puis Vous exprimer, combien j’ai souffert et combien je
souffre encore à présent par cette perte inattendue. Le
petit garçon jouissait toujours jusqu’ici de la meilleure santé,
il avait le naturel le plus heureux, je dirigeais moi même ses petites études,
aimant le travail il avait fait les progrès les plus satisfaisants, et tout celà
le tombeau me l’a ravi à présent. Mais je ne veux point attrister Votre
sensibilité, mon digne ami. Vous avez fait Vous même il y a peu une perte
également grande et ma douleur réouvrirait les playes de la Vôtre.
Mon voyage en Italie et les affaires qui me sont confiées dans mon poste m’ont
empêché de travailler aussi assidûment que j’aurais voulu, à mon petit ouvrage
sur les Basques et leur langueDas
Basken-Werk wurde nicht fertiggestellt und erschien letztendlich nur in
Teilen; siehe dazu unten. Als Erstes erschien 1812 die Ankündigung einer Schrift über die Vaskische Sprache und Nation, nebst
Angabe des Gesichtspunctes und Inhalts derselben.
Die in der
zweiten Abteilung der Edition "Wilhelm von Humboldt: Schriften zur
Sprachwissenschaft" erschienenen Bände (herausgegeben von Bernhard Hurch:
Schriften zur Anthropologie der Basken, Baskische Wortstudien und Grammatik sowie der noch
ausstehende dritte Band) rekonstruieren Humboldts Arbeiten zum Baskischen.
[FZ]. Mais je ne l’ai pas perdu de vue un moment et les papiers et traductions que Vous,
mon cher ami, avez eû la bonté de m’envoyer m’ont été d’une grande utilité. J’ai
fait assez de progrès dans Votre idiome pour comprendre la plus grande partie
des morceaux que Vous m’avez transmis mais néantmoins j’ai profité surtout de
celui auquel Vous avez eû l’attention d’ajouter la traduction littérale. Les
traductions des auteurs clasiques sont fort curieuses et mènent à
bien de réflexionsSiehe dazu [den Brief Murgas an Humboldt](427) vom 24. September 1801. [FZ]. C’est peut
être la première fois qu’on a essayé de lutter avec une langue peu cultivée
entre celles qui l’ont été plus qu’aucunne autre jamais. La chose qui me fait
toujours encore la plus grande difficulté est l’inflexion de la conjugaison
Basque. Je trouve malgré les leçons du bon
Astarloa et des deux GrammairesGemeint sind die beiden Grammatiken von Larramendi 1729 und
Harriet 1741. [FZ] encore à tout moment une formule que je ne sais
point expliquer. Je trouve aussi que ces mêmes inflexions seraient un grand
obstacle si on voulait vraîment écrire élégamment dans la langue Basque. Car
même elles ne disent que ce que signifient les auxiliaires dans d’autres langues
et que néantmoins elles sont fort longues, elles embarrasseraient toujours le
discours et le rendraient moins clair, moins facile et moins laconique. Je
donnerai dans mon petit ouvrage une courte description de mes courses par Votre
pays, j’ai un véritable besoin d’exprimer l’amour et l’attachement que j’ai
encore pour lui et de témoigner à ses habitants la profonde impression qu’a
laissé en moi l’accueil hospitalier et amical qu’ils m’ont fait. Je joindrai au
voyage un abrégé de Grammaire, un petit Vocabulaire et une Mémoire sur l’origine de la nation Basque.
On m’écrit de Madrid que Mr. Astarloa à Durango a fait imprimer une apologie de sa langue. J’ai donné commision sur le champ
qu’on me l’envoye ici. Mais comme je ne sais pas si c’est le même ouvrage que
j’ai vu en manuscrit chez l’Auteur, je lui
ai écrit pour le prier dans le cas contraire de me faire parvenir encore la
copie de quelques chapitres de ce dernier. Car pour une partie je l’ai déjà reçu
par ses bontés. Je prens la liberté d’inclure cette lettre au
bon Astarloa
à celle-ci et en
même temps que je Vous prie d’excuser cette liberté, je Vous demande la faveur
de la lui faire parvenir aussitôt que posible. La nouvelle guerre
dans laquelle l’Europe se trouve enveloppée dans ce moment, parait menacer dans
ce moment aussi Votre patrie. Quand verrons-nous enfin revenir la paix et la
tranquilité?
Veuillez m’écrire bientôt, mon respectable ami, donnez-moi de Vos nouvelles, de
celles de nos connaissances communes et communiquez-moi ce que peut-être il
pourrait s’être passé d’intéressant chez Vous. J’ose encore Vous prier de
présenter mes civilités à Mme. López de MazarredoDie Ehefrau von Lope de
Mazarredo war Maria Josefa Irene
de Urdaibay y Hurtado de Mendoza. et Vous
suplie bien l’un et l’autre de me recommander à moi tous ceux de
Vos compatriotes qui pourraient vouloir faire le voyage de Rome, comme de me charger de toutes les commissions que Vous
pourriez avoir pour l’Italie. Que je serais ravi de pouvoir rendre au moins à
quelqu’un de Vos amis une petite partie au moins de bontés
multipliées dont Vous m’avez comblé. Comme il y a si longtems que je n’ai pas eu
de Vos nouvelles et que je suis même incertain si Vous êtes encore à Bilbao, Monsieur, Vous m’obligeriez infiniment si
Vous vouliez bien m’accuser la réception de ces lignes aussitôt que
posible.
Je ne cesserai jamais d’être avec la considération la plus
distinguée et l’attachement le plus sincère et le plus
inviolable.
Monsieur,
Votre
très humble et très
obéissant
serviteur
Humboldt.
A propos! Je suis incertain si le Député Général de
Guipúzcoa a sa charge pour un an ou pour deux ans; veuillez me dire, mon bon
ami, ce qui en est.
Veuillez aussi rappeler mon souvenir à Mr. le
Marqués de Montehermoso à Vitoria et à Mr. et
Mdme. d’Iturriaga.
Mon adresse est; A Mr. le Baron de Humboldt, Chambellan de S. M. le Roi de Prusse et Son Résident à la Cour de
Rome, à Rome.