Je commence, Monsieur, par vous envoyer une copie exacte des paragraphes où les
PP. tagala
bisaya
ylog se servent du même alphabet; car
quoique d’alphabet bisay offre quelques variétés plus
considérables que les deux autres, l’identité n’en est pas moins évidente. Vous
trouverez aussi, Monsieur, dans les deux alphabets que j’ai l’honneur de vous
transmettre, le v de corazon de
Vous attribuez l’expression de baybayin aux grammairiens
espagnols, et cela m’a paru très-probable. Je vois cependant par Baybayin est un substantif formé du
verbe baybay (épeler, nommer une lettre après l’autre).
Le même verbe signifie aussi, marcher sur la côte de la mer et naviguer près de
la côte sans vouloir s’exposer aux dangers de la haute mer; c’est de cette
métaphore que b
serait plutôt nommée ba que bay.
baba, caca, dara, gaga, &c.
Je suis entièrement d’accord avec vous, Monsieur, sur l’alphabet des Bugis. Les
consonnes sont à-peu-près les mêmes que dans l’alphabet tagala; mais la manière
d’écrire les voyelles en diffère beaucoup, non pas pour la forme seulement, mais
pour le principe même de la méthode. C’est précisément ce point principal dont
il est impossible de se former une idée juste d’après a: mais le fait est que cet a, outre sa fonction de voyelle, est en même temps un fulcrum pour toutes les autres voyelles, un signe qui, de
même que toute autre consonne, leur sert pour ainsi dire de corps. Vous aurez
peut-être déja observé, Monsieur, en consultant thaï. Dans la dernière série des consonnes
thaï, se trouve un ā dont ā, which is
rather a vowel than a consonant, and is placed frequently in a word, as a
sort of pivot, on which the vowel points are arranged. It forms, as it were,
the body of each of the simple vowels. C’est ainsi qu’on place en
javanais un h devant chaque voyelle initiale, mais sans le prononcer; et c’est
encore ainsi que les mots malais commençant par ī
et ū sont précédés tantôt d’un l,
tantôt d’un s.
Earth, Tana ᨈᨊ. Le manque de fonds nécessaires a fait abandonner
l’entreprise; mais je tiens de l’obligeance de a bugis: noouvae (low
water) y est écrit ᨊ ᨚ ᨕᨘ ᨓ ᨙ ᨕ; makounraï
(femme), ᨆ ᨀᨘ ᨑ ᨕᨗ. Vous voyez par ces exemples, monsieur, que la difficulté que
ces alphabets (qui considèrent les voyelles médiales comme de simples appendices
de consonnes) éprouvent d’écrire deux voyelles de suite, est levée par le moyen
de cet a. Le dévanagari, qui, parce que la langue
sanscrite ne permet jamais à deux voyelles de se suivre immédiatement dans le
même mot, a destiné les voyelles indépendantes à être exclusivement employées au
commencement des mots, s’est mis par-là dans l’impossibilité d’écrire le mot
bugis ouwae (eau). Je trouve dans un seul mot le
redoublement d’une voyelle médiale, lelena ᨙ ᨙ ᨒ ᨊ: ce
n’est là qu’une abréviation; on répète la voyelle, on néglige d’en faire autant
pour la consonne, et le lecteur ne peut pas être induit en erreur; comme une
consonne ne peut être accompagnée que d’une seule voyelle, il reconnaît de suite
qu’il faut en reproduire le son.
Ce qui m’a frappé dans ce vocabulaire, c’est de trouver transcrit en anglais par
o, le signe que eng. Cet o, que je nommerai nasal, diffère à la vérité, dans
l’impression anglaise, de l’autre qui répond à l’o bugis
placé à la droite de la consonne, en ce que ce dernier est plus grèle et que
l’autre est plus arrondi; mais cette différence typographique, très-peu sensible
en elle-même, ne nous apprend rien sur la différence du son ou de l’emploi des
deux signes bugis. Je crois m’être assuré que l’o noté au
dessus de la consonne ( ᩶ ) a en effet un son nasal, tandis que le signe placé à
la droite de la consonne ( ᨚ ) ne s’emploi que là où le son de l’o est pur et clair. C’est le mot sopoulo, dix, qui m’a mis sur la voie de cette distinction: il s’écrit
ᨔ᩶ ᨄᨘ ᨒ ᨚ ; il renferme donc les deux o
p se
rapproche, comme vous voyez, de celle du troisième alphabet de sopoulo est le sanpóvo tagala
(o
nasal bugis répond ainsi exactement au son nasal du mot tagala. L’o nasal est souvent suivi, dans la prononciation, du son
nasal ñg; mais ce son n’en forme pas une partie
nécessaire. Il se détache dans la prononciation, et l’o
reste nasal dans l’écriture: oulong, lune, ᨕᨘ ᨒ᩶ ; oulo tepou, pleine lune, ᨕᨘ ᨒ᩶ ᨙ ᨈ ᨄᨘ . L’o nasal se trouve aussi dans les mots qui ne se terminent
pas par le son ñg; oloe, air, ᨕ᩶
ᨒ᩶ ᨙ ᨕ : il est même suivi de consonnes autre que ñg; alok bois ᨕ ᨒ᩶ ; tandis que cette consonne nasale peut
être précédée par un o pur, tandjoñg ᨈ ᨍ ᨚ . Il résulte de tout cela que l’o nasal est un anouswara
L’uniformité avec laquelle les différens alphabets dont j’ai parlé placent l’e et l’i à la gauche de sa
consonne et en sens contraire de la direction de l’écriture, est
très-singulière: l’alphabet javanais assigne la même place à l’e.
Les quatre lettres composées ᝨ ñgka, ᨇ mpa, nra, ñtcha, manquent dans mon vocabulaire; et ce qui est plus
singulier encore, c’est qu’au cas échéant, la première des deux consonnes
réunies n’est pas exprimée dans l’écriture bugis: elle n’est donc point
regardée, ainsi qu’on devait le croire d’après lempok (inondation) ᨙ ᨒ ᨄ᩶ ; onromalino (endroit retiré) ᨕ ᨚ ᨑ ᨚ ᨆ ᨄᨗ ᨊ ᨚ . Je ne
trouve pas d’exemple des syllabes ñgka et ñtcha.
Vous supposez, Monsieur, que le r initial est remplacé
dans la langue tagala par l’y; vous m’excuserez si je ne
puis partager cette opinion. Les deux lettres y et r, il est vrai, se permutent souvent dans ces dialectes;
le pronom tagala siya, il, est indubitablement le sira javanais ou plutôt kawi: mais le r initial est remplacé par le d: on dit ratou et datou, roi, ka-datoan et karaton, palais. Les
indigènes des Philippines confondent sans cesse le d et
le r; mais d doit être
placé au commencement et le r dans le milieu des mots.
Cette règle paraît constante pour le tagala; mais elle est aussi observée dans
d’autres dialectes: le danau (mer) malais est le ranou (eau) de Madagascar et le dano ou lano de l’île de Magindanaõ. L’y entre aussi dans ces permutations, mais moins
régulièrement, et dans la langue tagala, autant que je sache, jamais comme
initiale. Un des exemples les plus frappans est le suivant. Ouir: dingig en tagala, ringue
Madagascar, rongo Nouvelle-Zélande, roo Tahiti, onga tonga; Oreille: tayinga tagala, telinga malais,
talinhe, tadigny, Madagascar,
taringa Nouvelle-Zélande, taria Tahiti.
Vous avez expliqué d’une manière fort ingénieuse, Monsieur, comment on a pu se
méprendre sur la direction des signes de l’écriture tagala, et vous avez réfuté
en même temps l’opinion de quelques missionnaires espagnols sur l’origine de cet
alphabet. Cette opinion est certainement erronée: je ne voudrais cependant pas
nier toute influence de l’écriture arabe sur les alphabets de l’archipel indien.
Vous observez, Monsieur, que, dans le § 11, page 152, dont je joins la copie à
cette lettre, le gaby et gabe en
caractères tagalais, de droite à gauche. Ce n’est là peut-être qu’une méprise du
P. Gaspar. Mais ne pourrait-on pas supposer aussi que les indigènes, ou pour
flatter leurs nouveaux maîtres, ou pour leur faciliter la lecture de leur
écriture, l’ont en certaines occasions assimilée en ce point à l’arabe? Je
soumettrai même à votre décision, Monsieur, une autre conjecture plus hasardée,
mais plus importante. Vous témoignez avec raison votre étonnement de ce que
l’alphabet bugis n’ait adopté que la première des voyelles initiales de
l’alphabet tagala, et de ce que des deux alphabets, d’ailleurs si conformes,
diffèrent l’un de l’autre dans un point aussi essentiel. J’avoue ingénuement que
cette différence ne me paraît pas avoir dû toujours exister. Il est très-naturel
de supposer que les Bugis ont eu, de même que les Tagalas, les trois voyelles
initiales, mais que, voyant l’écriture malaie faire souvent servir l’a de signe introductif de voyelle initiale (Gr. malaie
batta ait les trois voyelles initiales,
tandis que le redjang et le lampoung ont l’a seulement. Cette diversité est
explicable dans mon hypothèse, puisque le hasard a pu faire que l’écriture arabe
ait exercé une plus grande influence sur différens points de l’archipel. Mais
hors de cette hypothèse, elle reste inconcevable dans les alphabets dont le
principe est évidemment le même. i et l’o initiaux; mais
j’aime à croire qu’ils usent de la même méthode que les Bugis.
J’ai cru ne devoir pas m’éloigner de la supposition que le signe en question est
vraiment un a, un signe de voyelle. S’il était permis de
révoquer ce fait en doute, contre le témoignage des auteurs, toute difficulté
serait levée par-là: le prétendu a n’aurait rien de
commun avec les voyelles sanscrites et tagalas; il serait le signe d’une
aspiration infiniment faible, un h, un v ou un y, et pourrait, comme une consonne,
s’unir à toutes les voyelles.
L’erreur dans laquelle seraient tombés les auteurs à qui nous devons ces
alphabets, serait facile à expliquer. Comme, dans ces langues, toute consonne,
lorsqu’elle est indépendante, se prononce liée à un a,
ceux qui entendaient proférer un a avec une aspiration
très-faible, pouvaient regarder ce son comme celui d’une voyelle. Ce qui me
confirme dans cette opinion, c’est que mon vocabulaire bugis ne fournit aucun
signe pour le h, et que l’a thaï
(a bugis (ᨓᨘ) ressemble moins à
l’a (ᜀ) qu’au h (ᜑ) tagala, et
l’a (ꥆ) redjang n’a aucune ressemblance avec le
véritable a batta (ᯀ), tandis qu’à la position près, il a
la même forme que le pseudo-a lampoung (a
(ᨕ) et du w (ᨓ) bugis sont absolument les mêmes, à
l’exception d’un point ajouté au premier: les lettres h,
w, y de ces alphabets peuvent
être des consonnes plus prononcées. Si donc, Monsieur, vous ne trouvez pas trop
hardi de nommer h le signe que a, j’abandonne l’hypothèse de l’influence arabe
sur ce point, en m’en tenant simplement à la supposition que ces peuplades,
d’après leur prononciation, ont admis dans leur alphabets les signes des
voyelles initiales, ou adopté à leur place un signe d’aspiration infiniment
faible, qui, sans presque rien ajouter au son des voyelles dans la
prononciation, peut néanmoins leur servir de consonne dans l’écriture. La
consonne h qui précède toute voyelle initiale des mots
javanais, est entièrement dans ce cas, et ressemble en cela au spiritus lenis que nous ne faisons pas entendre non plus en prononçant
les mots grecs.
Je ne suis cependant pas quitter cette question sans faire encore mention de
l’alphabet barman. Il possède dix voyelles initiales et
autant de médiales; et cependant il use de cette même méthode de lier à la
première les signes médiaux de tous les autres, en écrivant aou pour ou. Gramm. barm.
page 17, n.° 72a muet, comme règle générale
pour la formation des monosyllabes. The symbol (la forme
médiale) of any vowel, dit-il, may be
combined with a (initial) in
which case the compound has the power of the vowel which the symbol
representes, thus ai is equivalent to i. Aucun
de ces grammairiens ne dit à quel usage sont réservés les signes des autres
voyelles initiales. Il faut cependant que l’usage en ait réglé l’emploi. Mais le
nombre de mots où on les conserve est si peu considérable, que l’article de
l’a occupe 42 pages dans a comme une consonne est consacré
particulièrement aux monosyllabes, on est tenté de croire que l’alphabet barman
servait anciennement de la même méthode que l’alphabet des Bugis, celle de
combiner les voyelles médiales avec l’a initial, et que
l’usage des autres voyelles initiales n’a été introduit que postérieurement.
Je ne me souviens pas d’avoir rencontré la particularité dont nous parlons ici, dans aucun des alphabets dérivés du dévanagari et usités dans l’Inde même, à l’exception naturellement des cas où, comme dans la langue hindoustanie, on emploie l’alphabet arabe.
Il y a cependant, dans la langue telinga, un cas où l’a
lié à une voyelle reste muet et conserve à la voyelle sa prononciation
ordinaire; mais c’est pour la convertir de voyelle brève en voyelle longue.
Teloogoo Grammar (page 10, n.°
23)In such cases, the symbol of the long
vowel a is to be considered as lengthening the short
vowel i, rather than as representing the long
vowel a.
Au reste, je ne cite ces cas que parce qu’ils sont autant d’exemples, que l’a est chargé d’une fonction étrangère à son emploi
primitif. La solution la plus simple du problème qui nous occupe ici, est sans
doute de supposer que les peuples de ces îles, ayant à leur disposition des
voyelles médiales et initiales, ont trouvé plus simple de se passer de ces
dernières, et d’accoler les premières (lorsqu’elles n’étaient point précédées de
consonnes) à l’a, qui, inhérent de sa nature aux
consonnes, était la seule parmi les voyelles dont il n’existât pas de forme
médiale. Le procédé n’en est pas moins étrange, et c’est pour cela que j’ai
essayé de trouver une circonstance qui ait pu le faire adopter.
Les Tagalas trouvaient d’ailleurs, dans leur langue même, une raison particulière
pour marquer bien fortement leurs trois voyelles, comme initiales de syllabes
dans l’intérieur des mots. La langue tagala a deux accens, dont l’un prescrit de
détacher entièrement la voyelle de la dernière syllabe d’un mot, de la consonne
qui la précède immédiatement (haciendo que la sylaba postrera
no sea herida de la consonante que la prefiere, sino que suene independente
de ella (pat-ir
big-at
dag-y
tab-a
pa-tir, &c.
Comme, dans ce cas, la voix glisse légèrement sur la première syllabe, on a
coutume de noter cet accent par les lettres p. c. (penultimâ correptâ); l’accent opposé, noté p. p. (penultimâ productâ), appuie
sur la penultième et laisse tomber la finale. Il est de la plus grande
importance de ne pas confondre ces deux accens; car un grand nombre de mots
changent entièrement de signification, selon l’accent qu’on leur donne. C’est
donc à cet usage que les Tagalas réservaient spécialement leurs voyelles
initiales. Ils les employaient aussi au milieu des mots, là où il importait de
renvoyer une consonne à une syllabe précédente et de commencer la suivante par
une voyelle. C’est ce qui résulte clairement de l’extrait de grammaire que je
joins à cette lettre, et le
Soulat
sourat
sourat
serrat
soratse
manounoulat, meniourat, nyerrat, manorats, en changeant
toutes le s en un son nasal. Il m’a été fort agréable
d’apprendre qu’il existe dans la langue tagala une expression indigène pour
l’idée d’écrire. Je ne connaissais pas le mot titic, qui
ne se trouve pas dans le dictionnaire de toulis
titic pour dériver l’un de l’autre? Ce dernier ne serait-il pas plutôt
le titik
goutte, mais aussi tache
(idée qui n’est pas sans rapport à l’écriture)? Quant à toulis
toki
toulis
pointe, aiguiser: on trace ordinairement les lettres avec un
instrument pointu.
Nous venons de voir que les langues malaies font subir aux mots arabes les
changmens de lettres de leurs grammaires; la même chose a lieu pour les mots
sanscrits qui passent dans le kawi: boukti devient mamoukti; sabda, parole, devient
masabda, dire, et sinabda, ce
qui a été dit.
On est naturellement porté à regarder l’alphabet indien comme le prototype de tous les alphabets des îles du Grand Océan. Ces peuplades pouvaient, comme vous les dites, Monsieur, l’adapter chacune à la nature de sa langue et à son orthophonie. Cette opinion a été néanmoins contestée: quelques auteurs regardent comme très-probable que les différens alphabets ont été inventés indépendamment l’un de l’autre chez les différentes nations. Je ne puis partager cette opinion. Je ne nie point la possibilité de l’invention simultanée de plusieurs alphabets; mais ceux dont nous parlons ici sont trop évidemment formés, sans parler même de la ressemblance matérielle des caractères, d’après le même système, pour ne pas être rapportés à une source commune. Il n’existe pas de données historiques qui puissent nous guider dans ces recherches; mais il me semble que nous devons les diriger dans une voie différente, mettre un moment de côté tout ce qui est tradition ou conjecture historique, et examiner les rapports intérieurs qui existent entre ces alphabets, voir si nous pouvons trouver les chaînons qui conduisent de l’un à l’autre: car il semble naturel de supposer aussi, dans le perfectionnement des alphabets, des progrès successifs.
Les alphabets dont nous parlons ici ont cela de commun, qu’ils tracent les
syllabes par des groupes de signes, dans lesquels la seule lettre initiale à
laquelle on ajoute les autres comme accessoires est regardée comme constitutive.
Ces alphabets, lorsqu’ils sont complets, se composent ainsi: 1.° de la série des
consonnes et des voyelles initiales; 2.° de la série des voyelles proférées par
les consonnes initiales; 3.° des consonnes qui se lient à d’autres consonnes
sans voyelles intermédiaires; 4.° de quelques signes de consonnes, qui en
terminant la syllabe, se lient étroitement à sa voyelle, tels que le repha, l’anouswara
visarga
virama. Ces alphabets se distinguent
entièrement des syllabaires japonais: les syllabes n’y sont pas considérées
comme indivisibles; on en reconnaît les divers élémens; mais cette écriture est
pourtant syllabique, parce qu’elle ne détache pas toujours ces élémens l’un de
l’autre, et parce qu’elle règle sa méthode de tracer les sons, d’après la valeur
qu’ils ont dans la formation des syllabes, tandis qu’une écriture vraiment
alphabétique isole tous les sons et les traite d’une manière égale.
Dans ce système commun, nous apercevons deux classes d’alphabets très-différens:
les uns, tels que le dévanagari et le javanais, possèdent toute l’étendue des
signes que je viens d’exposer; les autres, tels que le tagala, le bugis, et à ce
qu’il paraît les sumatrans, se bornent aux deux premières classes de ces signes.
Si l’on examine de plus près cette différence, on trouve qu’elle consiste en ce
que les derniers de ces alphabets ne peuvent point détacher la consonne de sa
voyelle, et que les premiers sont en possession de moyens pour réussir dans
cette opération. Les alphabets tagala et bugis n’expriment en effet aucune
consonne finale d’une syllabe; ils laissent au lecteur le soin de les deviner.
La seule adoption du virama aurait levé cette difficulté,
et l’on est étonné de voir que ces peuples l’aient exclu de leurs alphabets.
Mais je crois que nous nous représentons mal la question, en transportant nos
idées d’aujourd’hui et de notre prononciation à des époques où les langues
étaient encore à se former, et à des idiomes tout-à-fait différens. Si
l’invention et le perfectionnement d’un alphabet exercent une influence
quelconque sur la langue dont il rend les sons, c’est certainement celle de
contribuer au perfectionnement de l’articulation, c’est-à-dire, de l’habitude
des organes de la voix de séparer bien distinctement tous les élémens de la
prononciation. Si les nations, pour être capables de faire usage d’un alphabet,
doivent déjà posséder cette disposition à un certain degré, elle augmente par
cette invention, et l’écriture et la prononciation se perfectionnent
mutuellement.
Le premier pas était fait par l’invention des lettres initiales des syllabes, des
voyelles qui en formant une à elles seules et des consonnes accompagnées de
leurs voyelles.m, n, k, h, ñg,
les deux premières dans l’intérieur des mots seulement, m
devant p, n devant r; h et k
ne paraissent qu’à la fin des mots, mais ñg occupe les
deux places et est employé plus souvent que les autres.
Il n’était cependant pas si aisé d’aller plus loin. On ne pouvait écrire la
terminaison des syllabes composées qu’en faisant une double opération. Après
avoir privé la consonne finale de sa voyelle inhérente, par laquelle elle aurait
formé une nouvelle syllabe, il fallait encore, pour en isoler entièrement le
son, la détacher de la voyelle qui la précédait immédiatement; car le son de la
consonne et celui de la voyelle se confondaient. Il faut observer en effet que
les peuples qui se servaient d’alphabets semblables à ceux des Bugis et des
Tagalas, ne croyaient pas représenter leurs syllabes d’une manière incomplète:
ils ne voyaient pas, comme nous, dans les signes de leurs voyelles finales, un
i ou un u seulement, mais,
selon les circonstances aussi, un ik, un ing, &c; ils ne concevaient pas même la possibilité
de décomposer encore des sons déjà si simples. Le virama
privait bien la consonne de sa voyelle inhérente; mais l’opération de détacher
la consonne de la voyelle qui la précédait, était plus difficile: car la voyelle
qui s’exhale, pour ainsi dire, en consonne, rend naturellement un son plus
obscur et moins distinct que la consonne qui commence la syllabe; de même la
voyelle qui est coupée par une consonne finale, se trouve arrêtée dans sa
formation. Il résulte des deux cas que la voyelle et la consonne des
terminaisons de mots se modifient mutuellement.
L’écriture barmane offre un exemple très-curieux de ces modifications; j’observe
que cette particularité se trouve dans les monosyllabes, qui constituent le font
primitif de cette langue. Les consonnes, lorsqu’elles viennent à terminer un
mot, recoivent dans presque tous les cas une autre valeur, et altèrent même
celle de la voyelle qui les précède. Le monosyllabe écrit kak, est prononcé ket, un p final devient t, un m
final n, &c. (t, d’où sait-on que ce t est proprement un k ou un p? L’étymologie du monosyllabe renferme,
très-probablement, la réponse à ces questions. Les racines se terminant en une
consonne bien prononcée, peuvent être et sont vraisemblablement, pour la
plupart, des mots composés, la combinaison des syllabes japonaises, par exemple,
offre des cas ou de deux syllabes ainsi réunies, la dernière perd sa voyelle. De
fa-tsou vient fat (Gramm. japonaise
k, changeât de valeur en devenant finale. Quoi qu’il en soit, cette
divergence de l’écriture et de la prononciation des monosyllabes barmans, ne
permet pas de méconnaître qu’il existe encore dans la langue une lutte qu’il
serait important de faire cesser, entre les deux grands moyens de représenter la
pensée.
Les voyelles se terminent souvent aussi, et sur-tout dans les langues dont nous
parlons ici, en des sons qui ne s’annoncent pas comme des consonnes
très-prononcées, mais seulement comme des aspirations ou des sons nasaux qu’il
serait difficile ou même impossible de réduire en articulations. Le sanscrit
même a dû encore accorder une place dans son alphabet à deux caractères, le
visarga
anouswara
anouswara
Il restait donc, sous tous les rapports, beaucoup de chemin à faire pour arriver de l’alphabet tagala au dévanagari.
D’après ce que je viens d’exposer, il me semble évident qu’il existe, dans les deux classes d’alphabets désignées ici, une tendance progressive au perfectionnement de l’écriture. Je ne prétends cependant pas soutenir, sur ces données seules, que telle ait été réellement la marche historique de ce perfectionnement, et bien moins encore que l’alphabet tagala ait nécessairement dû servir d’échelon pour s’élever au dévanagari: je me borne, pour le moment, simplement à prouver, par la nature même de ces alphabets, qu’ils sont réellement du même genre; mais que le dévanagari complète le travail que le tagala et ceux qui lui ressemblent laissent imparfait.
Comme le système de ces alphabets moins parfaits est renfermé, pour ainsi dire,
dans le système plus étendu du dévanagari, on peut supposer que les Tagalas
n’ont pris de cet alphabet venu à leur connaissance que ce qu’il fallait à leur
langue, beaucoup plus simple et moins riche dans son système phonétique.
L’alphabet tagala serait, d’après cela, le dévanagari en raccourci. Mais c’est
cette supposition sur-tout que je voudrais combattre; elle me semble être dénuée
de toute probabilité. Quelque simple que soit l’alphabet tagala, il est complet
dans son système; et dès qu’on lui accorde le principe sur lequel il est calqué,
de ne noter les syllabes composées que par leurs voyelles seulement, il ne s’y
trouve rien de superflu ni de défectueux. Il aurait été vraiment difficile
d’abstraire aussi méthodiquement du dévanagari un système qu’il renferme en
effet, mais qui ne forme que la moitié de sa tendance vers l’écriture
alphabétique. Les syllabes des mots tagalas sont pourtant assez souvent
terminées par des consonnes suffisamment prononcées; l’inconvénient de ne pas
les noter se fait considérablement sentir, comme nous le voyons par le
témoignage des missionnaires espagnols: pourquoi donc aurait-on repoussé
l’adoption du virama, moyen si simple et si facile à
adapter à toute écriture? La langue barmane est, sous le rapport de la formation
des mots, pour le moins tout aussi simple que la langue tagala; elle a cependant adopté, même dans la partie qui lui est
entièrement propre, tout les moyens de marquer les sons que le dévanagari lui
offrait. Le même cas existe chez les Javanais et les Telougous: L’alphabet
tamoul est moins nombreux en signes, mais fait également usage du virama et de la réunion des consonnes par ce moyen.
Pourquoi, si le dévanagari, dans l’état où nous le connaissons à présent, avait
donné origine à leurs alphabets, les Tagalas, les Bugis et les Sumatrans
n’auraient-ils pas fait de même? On peut dire que les Hindous avaient des
établissemens moins fixes dans ces pays; mais cette circonstance, qui n’est même
pas exacte pour Sumatra, change à l’état de la question: car il est beaucoup
moins croyable qu’on ait pu à la hâte adapter l’alphabet hindou aux langues
indigènes, d’une manière à-la-fois aussi méthodique et aussi incomplète.
Mais ce qui tranche la question, c’est qu’un examen plus réfléchi du dévanagari
lui-même prouve qu’il a existé avant lui peut-être plus d’un alphabet dressé sur
le même système, mais moins parfait que lui. Le dévanagari est visiblement sorti
d’un système syllabique d’alphabets; il n’est pas une invention, mais seulement
un perfectionnement du système. Le dévanagari ne se distingue d’une écriture
vraiment alphabétique que par des choses qu’avec raison l’on peut nommer
accessoires. Traiter l’a bref de voyelle inhérente aux
consonnes, se servir par cette raison du virama, placer
l’i bref avant sa consonne, combiner les signes des
consonnes au lieu de les écrire l’une après l’autre, voilà les seules
différences entre lui et l’alphabet grec ou toute autre écriture alphabétique.
L’isolement des syllabes dans les manuscrits est plutôt une habitude purement
calligraphique. Les inventeurs du dévanagari avaient certainement, aussi bien
que nous, le principe de l’écriture alphabétique; ils avaient franchi la grande
difficulté qui arrête le progrès de la prononciation à l’écriture; ils savaient
détacher en tout sens les voyelles des consonnes, ils leur assignaient leurs
limites et les marquaient avec précision. S’ils n’avaient eu aucun alphabet
Je ne crois pas que l’écriture alphabétique ait dû être nécessairement précédée de l’écriture syllabique; une telle supposition me paraît trop systématique: mais toute la structure du dévanagari me semble prouver qu’il n’a pas été fait d’un jet. Tout y est explicable, dès qu’on suppose qu’on a voulu rendre plus parfait un système déjà existant, remplir les lacunes, corriger ses défauts; sans cette supposition, il est inconcevable comment, connaissant si bien la nature des sons, étant habitué à les faire passer par toute la série de leurs modifications, sachant parfaitement balancer et contre-balancer leurs valeurs dans la formation des mots, on ait voulu se traîner encore dans la route des écritures syllabiques, tandis que l’écriture alphabétique est évidemment la seule véritable solution du grand problème de peindre la parole aux yeux. Je crois donc que l’alphabet tagala, avec tous ceux qui sont basés sur le même système, appartient à une classe d’alphabets antérieurs au dévanagari, ou du moins qu’il n’en est pas tiré. On pourrait plutôt croire ces alphabets des îles entièrement étrangers à l’alphabet du continent de l’Inde (et, dans ce cas, ils pourraient même lui être postérieurs), si la ressemblance des caractères ne s’opposait pas à une pareille supposition.
Je trouve avec vous, Monsieur, l’alphabet tagala très-remarquable, puisqu’il offre précisément la moitié du travail qu’il fallait faire pour se former une écriture capable de représenter la prononciation toute entière. Il appartient à la même classe que le dévanagari; je n’oserais décider si, pour cela, cet alphabet est d’origine indienne. De plus profondes recherches prouveront peut-être que la partie fondamentale du sanscrit a de fréquentes affinités avec les langues à l’est de l’Inde et avec celles des îles; les Hindous auraient donc bien pu avoir des alphabets d’une nation de ces contrées devant les yeux. Ce qui me paraît certain, c’est que les alphabets syllabiques, ceux sur-tout du genre de l’alphabet tagala, ont des rapports fort intimes avec la structure des langues monosyllabiques de ces contrées, et avec le passage de cet état des langues à un autre plus compliqué. Autant que chaque syllabe forme un mot à elle seule, les syllabes sont simples, mais variées dans les modifications et les accens des voyelles; on note alors facilement l’articulation principale, et l’on néglige impunément le reste: mais si des nations viennent à réunir plusieurs syllabes dans le même mot, et qu’elles visent à donner à chaque mot l’unité d’un ensemble, en quoi repose principalement l’artifice grammatical des langues dans le sens le plus étendu, il arrive des compositions, des contractions, des intercalations. Alors nait la tendance vers l’écriture alphabétique: car on sent, en voulant tracer les mots, la nécessité d’aller aux premiers élémens, pour avoir la liberté de les réunir entièrement à volonté. Le dévanagari et le système grammatical que nous admirons dans le sanscrit datent probablement à-peu-près de la même époque; une langue tellement organisée supposait une nation à laquelle le dernier perfectionnement et même l’invention de l’alphabet ne pouvaient pas rester long-temps étrangers. Le tagala était évidemment resté en arrière, avec son alphabet beaucoup trop borné pour la structure grammaticale de la langue.
Rien, au reste, n’empêcherait aussi que les habitans des Philippines fussent redevables de leurs alphabets aux Hindous. L’influence de l’Inde sur l’archipel qui l’avoisine a été exercée de manières et à des époques fort différentes; et l’on reconnaît ces époques, en quelque façon, au genre et à la coupe des mots que les langues de ces contrées ont adoptés du sanscrit. Les communications avec les Philippines m’ont paru, d’après ces considérations, être très-anciennes: le difficile est seulement de trouver une époque où l’on pourrait attribuer à l’Inde un alphabet aussi incomplet. Le sanscrit n’a certainement jamais pu être écrit par son moyen. Il est donc peut-être plus juste de dire que ces alphabets sont d’origine inconnue, que leur prototype doit être d’une haute antiquité, qu’il a servi de base au dévanagari lui-même; mais que c’est toujours de l’Inde que l’alphabet indien a obtenu tous les perfectionnemens de son système. Le dévanagari lui-même a éprouvé des changemens; mais si je nomme cet alphabet, je parle seulement de sa constitution, et plus particulièrement du principe qui tend en lui à réunir, dans l’écriture syllabique, tous les avantages de l’écriture alphabétique.
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Votre interprétation du passage de vargas dans le passage; c’est en quoi
seulement je voudrais, Monsieur, différer de votre opinion.
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Ier Extrait.
(
(
11. Infinitas palabras se equivocan en nuestro escribir, que en caracteres
tagalos se distinguen; y assi se tendrà cuydado con el accento en la
penultima, sopena de decir uno por otro. Porque gaby
assi escrito es equivoco de noche y gabe; pero pronunciado noche sera gab-y, y gabe
ga-bi: olol es equivoco, porque o-lol es llenar; y ol-ol es loco.
(
§ VI. De los caracteres y escrituras.
1. Por ultimo pondré el modo, que tenian de escribir antiguamente, y al presente lo usan en la Comintan y otras partes. Los caracteres son aprendidos de los Malayos y son diez y siete: las tres vocales, que equivalen à las cinco nuestras; las catorce consonantes, cuya forma y valor es este.
II. Vocales.
Las consonantes.
(
Poniendo à estos un punto arriba, hieren en i ò e; v.g.
Si tubieren el punto abaxo, hieren en o ò u; v.g.
3. Entre cada diccion ponen esta nota ! que es toda su ortografia.
(
4. Es escritura tan facil de escribir, como dificil de leer, porque es
adivinar; porque estas dos letras ᜎᜒᜎᜒ|| se pueden leer de ocho modos, que
son lili, lilim, lilip, lilis, lilit, liling, liclic, liglig; y con toto
esso se entienden. Item ᜊᜆ|| se puede leer bata, batang, bantay, batar, batac, banta, batay; y con todo
yerran pocas veces.
IIe Extrait.
(
Arte de la lengua Bisaya de la provincia
de Leyte, compuesta por el
(
Del modo de escrivir de estos naturales, y de sus
letras.
Solian antes de agora (y aun muchos oy dia) escrivir de abajo hazia arriba, poniendo el primer renglon hazia la mano izquierda. Las letras son diez y siete, de las quales, las tres son vocales, que equivalen à las cinco nuestras vocales: las demas son consonantes. Las letras que tienen, son las que se siguen.